Chaque jour au moins dix personnes trébuchent sur le pavé qui se déchausse de la rue.
Le médecin m'a dit que c'était du béton, armé, complétement bouché. Je ne sais pas de quoi vous vous protégez. Je veux être imperméable, hermétique. Tout contenir. J'avale tout et ne recrache rien. Quand je me couche les larmes coulent toutes seules. Ça glisse, ça déborde alors que je ne veux pas. C'est la position horizontale. Comme un vase. Il faut rester contenant, se contenir. Debout. Droit. Je fais un déni de fuite. Mes ongles sont rongés à vif. Jamais le temps d'être longs. Je mange les ongles, j'avale les ongles, sans recracher. En ce moment ils sont remplis d'amertume, ont le goût de gel.
Pas très loin d'ici, il y a une tarière équipée d'une vis sans fin. À côté d'elle des tas de terre. Elle creuse à l'infini. Elle recrache toute la terre sans mâcher. Sans faim. La machine se goinfre, jamais rassasiée. Perce la terre, tranche les vers. Les hommes autour regardent. Ils creusent à l'infini. Sans fin. Ils font des saillis, des cratères, préparent des tranchées. Ils trient la terre d'un côté, les cailloux de l'autre. Ils cherchent la pierre. Tamisent dans leurs passoires géantes.
Les troueurs de terre mettent ensuite une maison-piercing pour boucher le trou. La posent dessus, retardent l'explosion. Les maisons sur les trous comme du scotch sur une fuite.
Le réveil sonne il est même pas sept heures. Même pas six se sont écoulées depuis que j'ai fermé les yeux, ton visage imprimé sur le verso de mes paupières. J'ai rien vu passer. Une nuit sans rêve on dirait. Ils apparaîtront peut-être plus tard sous l'eau brûlante de la douche. Il fait mi nuit mi jour dans la chambre. Ma tête pèse deux cent kilos mais je la hisse et la désolidarise de l'oreiller. Je la tourne doucement vers la gauche et mes yeux pas si ouverts tombent sur ta tête ébouriffée qui dépasse de la couverture. On dirait que tu es juste une tête. Une main sort quelques centimètres plus loin et trahit l'existence de ton corps. Ça me donne envie de pleurer.
Dans l'escalier on entend déjà le boum boum qui cogne contre les murs. La boom a lieu au dernier étage. On va s'exploser la tête. On avale des petits cailloux. Des graviers qui grattent le fond de la gorge et donnent mal au ventre. Un gravier et une gorgée d'eau. On va se faire un trou dans le crâne. Et après on se mettra à fuir. On va dégorger.
On veut fuir et tout se déverse. Je suis éclatée me dit E. en éclatant de rire. Des ballons de baudruche en acier, presque increvables. On cherche les pics pour finir en miettes. Le lendemain on ramassera les morceaux avec une pelle et un balais, on passera la serpillère en attendant la prochaine fuite.
Parfois j'aimerais être des toilettes pour être équipée d'un système de trop plein.
Sur la banquette arrière de la voiture, à cent trente sur l'autoroute. On file à fond. On dépasse les voitures par grappes et des dizaines de voitures nous dépassent.
Les lignes blanches peintes en pointillé sur la route bétonnée deviennent des lignes continues, ininterrompues.
Je m'ennuie d'avoir fait cent fois le tour de la voiture des yeux, observé les micro-fissures du plafond en matière moquette rasée, les motifs abstraits et bicolores des fauteuils avants. Rien ne bouge malgré la vitesse. Je longe des doigts le pourtour de la vitre, caresse le grain gris du plastique de la porte, contourne le puits pour déposer les chewing-gum trop mâchés, la manivelle de la vitre, le bitogno dont la pointe rouge émergée indique la porte déverrouillée, la poignée. Je zoom des yeux dessus. Puis je la touche et mon cœur bat à fond. Je veux la tirer, déclencher l'ouverture.
Je veux trouer le temps. Voir ce que ça fait, dynamiter le moment. Opérer une déviation. Ça prendrait une seconde. Les lignes redeviendraient pointillées, bitume, peinture, bitume, peinture, bitume.
On passait la soirée chez C. et j'étais assise sur une chaise adossée au mur. N. était en face de moi et m'inondait
d'informations sur la galerie. En arrière plan la cuisine d'angle et dans l'angle le chauffe-eau.
Je buvais ses paroles depuis quelques minutes déposant mon regard par alternance entre ses deux yeux, le bout de pièce à l'arrière et ses mains agrippées à son verre de gin. Après l'évier serti d'éponges, mes yeux passent pour la cinquième fois sur le chauffe eau et y marquent une pause.
Tout d'un coup c'était sûr c'était maintenant. N. et nous toutes allions être coupées en deux comme la phrase qu'elle n'aurait pas le temps de finir. J'entends le bruit sourd et vois les têtes sauter des corps.
résidence à N'a qu'1 œil, Bordeaux
Un homme portant un entonnoir sur la tête excise le crâne d’un autre à l’aide d’un couteau. Du trou sort une fleur. Un autre homme muni d’une cruche ainsi qu’une femme coiffée d’un livre assistent à la lithotomie. Pour eux, la folie viendrait d’un cailloux coincé dans le cerveau. En partant de l’histoire du tableau extraction de la pierre de folie de Jérome Bosch, je me suis demandé ce qui était normal.
"c'est normal", exposition de fin de résidence à N'a qu'1 œil
Des entonnoirs en guise de chapeau étaient proposés pour la tête des invité·es. Des ballons, au préalable remplis chacun d’un morceau de pavé, ainsi qu’un clou étaient servis en guise d’amuse- bouche. Des bruits d’explosion retentissaient chaque minute. Pour ma part, j'étais coiffée d'un livre qui fut le dernier objet déposé dans la vitrine, le soir du vernissage.
travail et vitrine en cours à N'a qu'1 œil
lancement de "point tout à fait cuit, état poétique" au Petit Pub à Montreuil
présentation du livre, exposition de l'archivage des cases de mots fléchés et autres surprises
avec Constance Rutherford
"point tout à fait cuit, état poétique" est un recueil de juxtapositions cruciverbalistiques fortuites, traquées puis découpées dans les grilles
de mots fléchés Mégastar, Sport Cérébral et GH Loisirs parues à l'été 2020.
Il est le premier pavé microédité par Édith Despavet
55 exemplaires ont été tirés.
Édith Despavet est une micromaison d'édition
des livres faits à la main, à la maison, à petite échelle
des pavés compacts, robustes, increvables
des livres de grosses poches
des éditions d'artistes qui se glissent en douce entre Camus Albert et Ernaux Annie
coupe et médailles réalisées pour le tournoi de foot organisé par FC Contre-Attaque dans le cadre du festival Comme nous brûlons
avec FC Contre-Attaque
le cou tient la tête
la tête tient pas le cou
série d'affiches en diptyque, sérigraphiées (bleu sur papier diaphane jaune), imprimées en 30 exemplaires
premiers essais d'affiches tirées de la série de mots fléchés "point tout à fait cuit, état poétique"
avec Constance Rutherford
entre chapeau de fête et porte-voix, carte de vœux 2021
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avec Constance Rutherford
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